Cette petite phrase, on la connaît bien. Elle traîne dans les open spaces, s’invite aux dîners de famille et s’incruste même dans les discours politiques.
C’est le premier symptôme dutriangle de l’inaction : un concept développé par Pierre Peyretou, économiste spécialisé dans la transition bas-carbone. Chacun attend que l’autre fasse le premier pas - gouvernement, entreprise, citoyen - et, au final, personne n’avance.
Résultat : on stagne pendant que le changement climatique, lui, continue d’accélérer.
Alors ce mois-ci, on démonte cette mécanique de l’immobilisme et on vous aide à remettre du mouvement dans la machine.
👉 On revient sur les objectifs climatiques de la France, dépassés pour la énième fois, et ce que ça révèle de notre trajectoire actuelle.
👉 On décrypte le projet de loi “Simplification” qui veut tailler dans les règles environnementales à coups de tronçonneuse législative.
👉 On vous file des clés pour parler de votre impact environnemental sans enfumer personne.
Enfin, on démonte les excuses et on outille les entreprises pour sortir du triangle infernal de l’inaction.
Parce que oui, les leviers existent. Etc’est maintenant qu’on peut les activer.
ACTUALITÉS
Compteur climatique : où en est-on ?
366 millions de tonnes de CO₂
C'est ce que la France a émis en 2024, dépassant ainsi son objectif annuel fixé à 363 millions de tonnes dans le cadre de la Stratégie nationale bas-carbone (SNBC).
En 2024, la France a enregistré une baisse de 1,8 % de ses émissions de CO₂ par rapport à 2023. Une amélioration, certes, mais bien timide après la chute de 6 % l’année précédente.
Avec 366 millions de tonnes de CO₂ émises, on atteint tout de même le niveau le plus bas depuis 1990. Un exploit ? Oui... si l’on oublie que l’objectif de réduire de 50 % les émissions d’ici 2030 ressemble de plus en plus à une course de tortue.
À noter que ce calcul ne comprend que les émissions territoriales, soit les gaz à effet de serre émis à l’intérieur des frontières de la France. Tandis que les émissions totales incluent également celles liées à la consommation de biens importés et donne une image plus complète de l’empreinte carbone du pays.
Comme un air de déjà vu ? Chaque année, on se retrouve avec des résultats qui laissent à désirer. Mais, au-delà des chiffres, il est intéressant de se demander pourquoi cette progression est si lente. Peut-être qu’un petit coup de baguette magique sur les dispositifs et les secteurs clés pourrait enfin changer la donne.
Ce qui n’a pas fonctionné en 2024 : commençons par le secteur du résidentiel-tertiaire en quasi-stagnation avec une baisse de seulement 1,1 %. La rénovation énergétique, qui aurait dû être notre alliée pour isoler les bâtiments, a pris un sacré coup de frein. Le nombre de rénovations a chuté de 40 % à cause des modifications successives du dispositif MaPrimeRénov'. Résultat : des logements toujours aussi gourmands en énergie.
Ensuite, le secteur des transports, ce titan des émissions a également stagné avec -0,8 % seulement. Pourtant, ce secteur est responsable d’un tiers des émissions nationales hors puits de carbone. Alors, qu’est-ce qui coince sous le capot ? En apparence, les émissions baissent légèrement. Mais ce n’est pas dû à une révolution des mobilités : les voitures roulent toujours autant. D’après le SDES, le trafic routier (en kilomètres parcourus) est resté stable entre 2023 et 2024. Ce qui change, c’est plutôt ce qu’il y a dans le réservoir : les ventes de carburants ont diminué de 0,5 %, avec une baisse marquée du gazole (-3 %), qui émet plus de gaz à effet de serre que l'essence. Bref, les moteurs tournent toujours, mais un peu moins de carburant est brûlé.
💡 Comment expliquer cela ? Tout d'abord, l’efficacité des moteurs a progressé. Les véhicules modernes consomment moins pour une même distance parcourue grâce à des technologies plus performantes. Ensuite, l'augmentation de la part des véhicules électriques et hybrides joue également un rôle dans cette réduction.
Une note d'espoir ? Oui, et elle vient du secteur de la production d’énergie. Grâce au combo redressement de la production nucléaire + forte production hydraulique, les centrales à gaz ont pu lever le pied, enregistrant une baisse de 40,4 %. Résultat : les émissions dans la production d’électricité ont chuté de plus de 25 %. Avec 95% d'électricité produite à partir de sources bas-carbone en 2024, la France est parmi les leaders européens !
Pour que 2025 soit une année de progrès, il faut que les secteurs en retard, comme le résidentiel et les transports, se remettent sérieusement en marche.
Problème : le Secrétariat général à la planification écologique (SGPE), censé être le chef d’orchestre de cette transition, a perdu sa boussole. Depuis le départ de son patron, Antoine Pellion, en février, la nomination de son successeur fait l'objet d’un bras de fer entre Matignon et l’Élysée.
Résultat : une vague de départs dans la structure et une transition écologique coupée dans son élan. Il serait peut-être temps de redonner une direction claire à tout ça, à moins que l’Élysée n’ait l’intention de laisser le SGPE se perdre dans le brouillard…
Vrai ou vent : balayons les idées reçues
Le nombre d'entreprises mesurant leurs risques climatiques a été multiplié par 4 entre 2020 et 2023.
✅ Vrai !
Mais... quand il s'agit de mettre la main à la pâte pour s’adapter, ça coince. D'après un récent rapport publié par le BCG et Quantis, près de trois quarts des entreprises dépensent moins de 0,1 % de leurs revenus dans leurs stratégies d'adaptation et à peine 9 % d'entre elles investissent plus de 0,5 %. Pourtant, si elles ne se bougent pas, elles pourraient perdre jusqu'à 25 % de leurs bénéfices d’ici 2050.
Avec un réchauffement climatique de 4°C d'ici 2100, le niveau de vie moyen d’une personne sera réduit de 40 %.
✅ Vrai !
Selon une nouvelle étude publiée dans Environmental Research Letters , en prenant en compte la météo mondiale dans les modèles économiques, les projections montrent qu’un réchauffement de 4°C pourrait entraîner une réduction de 40 % du niveau de vie moyen d’une personne. Même avec une hausse limitée à 2°C, ce niveau de vie pourrait chuter de 16 %. Actuellement, on est déjà à +1,1°C et, si ça continue, nos portefeuilles vont fondre plus vite qu'une glace sous le soleil d'août !
Du bruit à l’essentiel : le vrai décryptage
Loi de simplification : quand "alléger l’économie" revient à alourdir la facture écologique. Du 8 au 11 avril, les députés ont dégainé leur plus beau scalpel législatif pour entamer le grand chantier du projet de loi de simplification de la vie économique (alias PLS – oui, comme notre état après lecture).
Au menu : 1 400 amendements visant à "dégraisser le mammouth" administratif. Laurent Marcangeli, ministre de la Simplification, l’a dit : fini "les régimes de minceur et la médecine douce. Il nous faut désormais passer à une étape supérieure". Une sorte de lifting institutionnel qui vire à la tronçonneuse. Spoiler : la planète n’en sort pas rajeunie.
Coup de théâtre à l'issu de ces 4 jours : l’Assemblée met les scalpels en pause. Reprise prévue fin avril… et autant dire que l’ambiance s’annonce électrique.
En attendant, petit récap des 5 coups de massue qui menacent notre planète :
Les zones à faibles émissions, c'est ciao ? Ces zones, censées limiter les véhicules polluants dans les grandes villes, risquent de finir au cimetière des bonnes intentions. Deux amendements ont été adoptés en commission pour les supprimer avant même leur mise en place.
Biodiversité en danger ? Ce n’est pas la priorité. Le projet veut faciliter les projets d’infrastructures… au détriment de la biodiversité. Les amendements proposent de simplifier les procédures et de donner plus de place aux projets de construction, y compris ceux qui touchent la nature.
Débat public : on coupe le micro. Vous pensiez avoir votre mot à dire sur les projets impactant l'environnement ? Lol. Le gouvernement tente de supprimer l’obligation de consulter les citoyens avant de lancer de gros projets industriels (lithium, batteries, pétrole). Déjà retoquée une fois par le Conseil d’État devant les 99,7 % d’avis défavorables, l'idée revient en douce via un amendement glissé dans le projet de loi de Simplification. La Commission nationale du débat public (CNDP), en colère, a même fait grève pour la première fois en 30 ans.
Les géants du numérique vont être contents ! Vous avez dit “sobriété énergétique” ? Le gouvernement a plutôt choisi “giga-serveurs XXL”. Le projet de loi veut dérouler le tapis rouge aux centres de données et tant pis si la planète lag un peu.
Coup de balai sur les agences environnementales. C’est le grand ménage de printemps : l’Office français de la biodiversité (OFB), l’Agence de la transition écologique (Ademe), les Ceser (comités ayant pour mission d’informer les conseils régionaux des conséquences environnementales de leurs politiques), le Conseil national de la montagne ou encore Initiative française pour les récifs coralliens (Ifrecor) risquent de finir à la trappe. À ce rythme-là, il ne restera bientôt plus personne pour sonner l’alarme.
LES REMOUS INTERNES : DÉFIS ET SOLUTIONS.
La difficulté du mois
Comment parler de son impact environnemental sans enfumer tout le monde ?
Vocabulaire flou, promesses creuses, affirmations sans preuve… Le taux de non-conformité grimpe jusqu’à 14 % sur Facebook, preuve que le greenwashing n’a pas encore pris sa retraite. Alors, comment se démarquer avec une communication crédible sur son empreinte carbone ? Un mot magique : transparence.
Pour éviter de passer pour le roi ou la reine de la poudre de perlimpinpin verte, il faut miser sur du concret. Voici quelques ingrédients pour une communication qui ne sent pas l'entourloupe :
Montrez votre vrai visage, pas un filtre vert : les promesses floues du type "on fait tout pour la planète", c’est un peu comme dire "je me mets au sport" sans jamais quitter son canapé. Ça sonne bien mais on attend toujours les preuves. Préférez des actions concrètes, mesurables, datées, qui montrent que vous avez enfilé vos baskets et que vous êtes vraiment passés à l’action. Par exemple : “nous avons réduit nos émissions de Scope 1 de 15 % en 2023 en remplaçant nos véhicules thermiques par des modèles à faibles émissions de CO₂.” Là, c’est concret et ça roule dans le bon sens.
Les galères ? Racontez-les. Pas besoin d’être un super-héros du climat : partager vos embûches montre que vous êtes dans une vraie démarche. Ce n’est pas qu’une question de chiffres ou de méthodologie, l'humain ça compte aussi ! Qui sont les personnes qui ont porté la démarche ? Quels défis ont-elles rencontrés et comment les ont-elles surmontés ? Prenez Artefact, par exemple. Quand ils ont décidé de mesurer leur empreinte carbone, ça n’a pas été un long fleuve tranquille. Ils ont mis plusieurs mois à collecter leurs données car, devinez quoi ? Une facture d’électricité de mars avait disparu… avant de réapparaître, planquée parmi les achats de fournitures de cuisine d’octobre. Ce genre de couac fait partie du jeu et les partager, c'est rendre votre démarche encore plus crédible.
Précision et clarté : la recette gagnante !
Si vous avez réalisé un Bilan Carbone, veillez à bien :
1. Préciser les facteurs d’émissions et les données d’activité utilisées
2. Détailler la méthodologie employée et le périmètre du Bilan Carbone (notamment d’éventuelles exclusions de postes d’émission)
3. Rendre accessible votre bilan sur votre site web et le publier sur le site de l’ADEME
👉 Appuyez-vous autant que possible sur des standards reconnus : méthode Bilan Carbone®, GHG Protocol, SBTi. Et pour vos produits, misez sur l’affichage environnemental en respectant les cadres méthodologiques.
Entendu par le respo RSE
Mais moi, je peux rien faire…
Ça vous dit quelque chose ?
Ah, la stratégie de l’évitement. Si on l’écoute trop longtemps, on finit tous par se regarder dans le blanc des yeux pendant que la planète, elle, continue de surchauffer.
Vous voyez ce moment gênant où trois personnes se retrouvent devant une porte et que chacune lance un “après vous”, “non, je vous en prie”, “non non, j’insiste” ? À la fin, personne n’avance. Une mouche vole. Le malaise plane.
Bienvenue dans le triangle de l’inaction climatique. C’est un concept qui décrit comment gouvernements, entreprises et citoyens freinent mutuellement le changement en attendant que les autres fassent le premier pas. Chacun a de bonnes raisons d’attendre. Mais à la fin, personne n’avance. Et le climat, lui, n’attend pas. Quand on entend “Mais moi, je peux rien faire…”, c’est souvent qu’on est tombé en plein dedans. Mais, en tant qu’entreprise, on n’est pas condamné à rester figé. On a des marges de manœuvre. Et on peut s’en servir.
Dans notre triangle de l'inaction :
Les gouvernements, bien qu’en charge de créer un cadre législatif, sont freinés par des facteurs politiques et administratifs.
👉 En tant qu'entreprise : si on attend que tout soit obligatoire pour bouger, on subira les décisions sans pouvoir les anticiper. Agir en avance, c’est être acteur des règles futures, pas victime.
Les entreprises, face à des contraintes économiques et à un manque de régulations claires, hésitent à agir seules. Elles scrutent leurs concurrents, les tendances, les signaux… en attendant un alignement parfait des planètes pour se lancer. 👉 C'est justement en faisant partie des premiers qu'on peut se démarquer. Ceux qui prennent de l’avance attirent les talents, réduisent leurs risques futurs et deviennent des leaders sur des marchés émergents. C’est une stratégie gagnante sur le long terme.
Les citoyens, malgré leur impact à travers leurs choix de consommation, se sentent parfois impuissants face à l’ampleur du problème. 👉 En tant qu'entreprise : on peut leur faciliter la tâche, rendre les choix durables plus simples, plus visibles, plus désirables. À travers nos produits, nos services, nos messages, on peut créer un effet d’entraînement.
En résumé :
On arrête de se renvoyer la balle. Le changement ne viendra pas d’un seul acteur. Il vient quand chacun prend sa part.
On avance, même si c'est pas parfait. Attendre d’avoir tout bon, tout validé, tout optimisé… c’est souvent la meilleure recette pour ne rien faire. La réalité, c’est qu’on apprend en marchant. Mieux vaut une action imparfaite qu’un plan parfait jamais lancé.
On raconte ce qu’on fait. Pas pour se faire mousser, mais pour inspirer, donner envie, montrer que c’est possible. On n’attend pas que les autres se bougent : on donne l’exemple et on crée du mouvement.
Devenez un acteur du changement !
Butagaz recrute un(e) Chargé(e) de projet RSE en contrat de professionnalisation ou d’apprentissage. Au programme : Bilan Carbone, projets de réduction de l'impact environnemental, rénovation énergétique et bien plus. Si vous êtes prêt(e) à contribuer activement à la transition énergétique, ce poste est fait pour vous !